LA FED ENTRE À PAS FEUTRÉS DANS UN NOUVEAU TERRITOIRE INCONNU, par François Leclerc

Billet invité.

La Fed est enfin passée à l’acte ! Toujours aussi précautionneuse, elle va se contenter de cesser d’acheter des titres pour remplacer ceux qu’elle possède lorsqu’ils arrivent à maturité. Mais son geste est mesuré, dix ans allant être nécessaires, selon ses propres calculs, pour que la taille de son bilan actuellement de 4.500 milliards de dollars diminue pour se situer entre 2.400 et 3.500 milliards dollars. Elle sera alors encore loin de retrouver sa taille de 900 millions de dollars d’avant la crise.

La décision de la Fed accrédite l’idée qu’un tournant a été pris, que les banques sont investies d’une nouvelle responsabilité et doivent l’assumer, et que le système financier est sous assistance pour une longue période. À ceux qui s’interrogeaient sur la capacité de celui-ci à redevenir comme avant, la réponse est désormais apportée.

La méthode employée procède de la même prudence. La Fed ne vend pas ses titres sur le marché, au risque qu’ils ne trouvent pas acheteur à défaut d’être bradés, et se contente de ne pas en acheter de nouveaux. Cela renvoie aux inquiétudes qui s’étaient manifestées, lorsque Ben Bernanke – encore à la tête de la Fed – avait répondu en procédant à des tests destinés à rassurer sur sa capacité à réduire son bilan. Mais ils étaient de par leur taille symboliques et la démonstration de peu de valeur !

À nouveau, les banques centrales se trouvent en territoire inconnu, certaines ayant instauré des taux négatifs sur leur facilité de dépôt, jamais une telle réduction massive de bilan n’ayant été auparavant opérée.

Les marchés ont trouvé leurs aises dans l’océan de liquidité créé par la Fed, et rien ne garantit que les investisseurs se précipiteraient pour acheter des titres. C’est en tout cas un risque que la Fed ne tient pas à prendre. Pas plus qu’elle ne veut en prendre un en augmentant autrement que très graduellement et avec parcimonie son taux principal. Car les réactions du marché sont imprévisibles, ce qui témoigne bien de la crise sourde qui se poursuit en son sein, et des inconnues de son fonctionnement. Et ce n’est pas vraiment le moment de raviver une crise obligataire en Europe, par ricochet.

Parlant de mystères, les banquiers centraux sont déjà aux prises avec des nouveautés déconcertantes. La croissance revient, mais elle n’est accompagnée ni d’une hausse des salaires, ni de celle de l’inflation. Des milliers de milliards de dollars ont été injectés et n’ont pas déclenché l’inflation que prévoit la théorie. Avec comme résultat que la bonne vieille inflation n’est pas là, remplacée par des bulles sournoises sur les actifs financiers. Et, en dépit de la croissance qui devrait l’épauler, l’emploi s’est dégradé, si l’on se réfère non plus au taux de chômage, mais à celui de l’emploi qui est un bien meilleur indicateur.

Tous ceux qui voient dans la décision de la Fed un retour à la normalité vont au piquet !